Le don de soi

«Du pain, Seigneur! Que je sois du pain auquel mes prochains (…) viennent prendre ce qui leur manque (…) Que je sois du pain livré sur la table humaine».

Pour être franche, cette prière ­après la communion dans notre livret de messe, m’a toujours mise mal à l’aise. Pendant très longtemps, j’ai tout simplement évité de la prononcer. Encore aujourd’hui, je ne sais pas vraiment quoi en penser. A mon sens, cette prière fait trop appel à des dimensions d’exemplarité et de don exacerbé de soi qui me manquent. Cette simple prière provoque en moi un questionnement éthique: entre le don ou le partage de soi (Il y a un très bon livre de Daniel Sibony qui m’a éclairé sur cette question et je vous en recommande la lecture).

La foi doit-elle nous conduire à nous «livrer» aux autres? C’est une idée largement répandue dans le monde mais un état de fait quasi inexistant. Si je suis ou si je deviens du pain pour les autres, est-ce que je me perds ou est-ce que je m’enrichis? Est-ce que je donne réellement ou est-ce que j’impose tout ce qui fait mon être à l’autre? Ma réflexion m’emmène plutôt vers un «partage d’êtres» avec les autres. Mais dans les «autres»: qui y inclure? Tous ou ceux que je choisis? Mon prochain est par définition celui qui m’est proche. Il n’y a pas de mérite dit-on à aimer ceux qui nous aiment. Je ne suis pas d’accord. La question est de savoir «bien» aimer. Est-ce en cela que nous serons réciproquement «du pain» les uns pour les autres?

Aurélie Etuin Lanoy